Chaque année, durant la Semaine sainte, une tradition séculaire attire des milliers de visiteurs dans le Mendrisiotto. En 2019, l’UNESCO l’a classée au Patrimoine immatériel de l’humanité.

« Non seulement Jésus-Christ était fils de Dieu, mais encore il était d’excellente famille du côté de sa mère.»
Mgr De Quélen

Enfants porteurs de lampions lors de la procession du Vendredi saint

À travers le monde, on recense à la fin du Carême des centaines de processions figurant la Passion du Christ. L’Espagne, à l’origine de ces manifestations de ferveur populaire, en fait aujourd’hui un argument touristique, à l’instar de nombreux pays majoritairement catholiques. Certains – comme les Philippines – repoussent les limites de l’exaltation, avec force flagellations et écoulements d’hémoglobine.

Sobriété

“Rien de pareil chez nous”, rassure Nadia Fontana-Lupi, professionnellement associée depuis des décennies à l’organisation des célébrations de Mendrisio. “Ici, la quête de spiritualité s’exprime de manière plus sobre, avec une certaine solennité”.



On pense au carnaval de Bâle, dont la gravité contraste si fortement avec l’exubérance de ses correspondants de Nice ou Rio. Un autre élément distingue Mendrisio : l’exclusivité de ses trasparenti, sortes de lampions figurant des thèmes bibliques, depuis la fin du XVIII e siècle. En période pascale, ces peintures translucides ornent les façades du centre historique et illuminent les processions des Jeudis et Vendredi saints. Un musée leur est dédié.

Façades décorées de trasparenti

Féerie nocturne

« On imagine l’ébahissement de la population locale – jadis pauvre et démunie – lorsque ces premières lanternes ont fait leur apparition, bien avant l’apparition de l’éclairage public et de l’électricité », relève Nadia Fontana-Lupi.
Et d’évoquer ses propres émotions lorsque, adolescente, elle fut appelée à incarner Marie dans les processions. « Ce rôle était impérativement attribué à des vierges. Aujourd’hui, les choses ont évolué. Songez qu’il y a plus longtemps encore, aucune femme n’était admise dans ces représentations de la Passion du Christ. Des travestis jouaient les pleureuses ».

Casting

Les familles ne sont pas peu fières de voir l’un de leurs membres engagé pour défiler en costume confectionné dans la région. Il y a quelques années, certaines de ces tenues étaient empruntées à la Scala de Milan.
« Les près de 300 candidats-figurants doivent répondre à des critères physiques précis quant à leur stature et charisme. Incarner Jésus, en particulier, est un honneur que l’on ne peut connaître qu’une seule fois dans sa vie, et il n’est pas question de vedettariat. L’élu doit rester anonyme, et son visage – penché vers le sol et dissimulé par les débordements de sa perruque – émis est à peine visible durant les processions ».

Costumes et accessoires taillés sur mesure

Formatage

La logistique et l’ordonnance de ces mises en scène répondent à un strict formel. Si des artistes contemporains sont bien appelés à renouveler l’esthétique des trasparenti, pas question de changer les partitions des fanfares associées aux défilés. Là aussi, les compositions – immuables – doivent souligner pompe et rigueur. Elles n’interviennent qu’entre les parenthèses de silence monacal.

Les trasparenti se modernisent

Tout est millimétré : l’ordre de passage du Christ, de Marie, de deux voleurs enchainés et d’Hérode, roi de Judée. Pareil pour les Romains en armure et pour les chevaux.

Religiosité

« Faire vivre cette tradition n’implique pas forcément l’adhésion aux dogmes de l’Eglise. Un athée peut parfaitement s’impliquer dans le processus pour une motivation culturelle. Tout cela entretient une sorte de colle sociale, où un directeur d’hôtel peut croiser un banquier ou un maçon dans le même groupe déguisé.
À voir l’effervescence, la fierté et la discipline des écoliers associés aux célébrations, aucun doute qu’ils s’en souviendront toute leur vie.

Photos : pichonvoyageur.ch
Renseignements sur le Tessin : mendrisiottoturismo.ch, ticino.ch